anonymous, Thronus cupidinis (1620)

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Aux Dames de France


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AVX DAMES DE FRANCE .
TRes amiable Sexe, a qui Cypris jolie,
A mise entre les mains la clef de nostre vie;
Qui semez par vos yeux la semence d'Amour;
Qui dans nos cœurs vaincus s'enracine a tousiour;
Mes Dames c'est pour vous, par la dextre je jure
De nostre petit Dieu, par sa doulce pointure;
Ie jure par le dard qui m'a percé le cœur,
Qui cause mon ennuy, qui cause ma' douleur:
Mes Dames c'est pour vous, je jure par la belle,
La belle qui mon ame en sa prison martelle,
Qui me possede en tout; Je jure le tourment
Sans lequel ne pourrois m'esgayer doulcement;

Ie jure la clarité dont elle paist mon ame
Me monstrant les beautez de sa jumelle flamme;
Que c'a esté pour vous, & pour vous sur tout chois
Que i'apprens Cupidon a parler le Francois
Ainsois n'a pas long temps, Venus en jouissance
S'en vint en ma maison au beau quartier de France
Vne rosee d'or couloit, de tous costez
Par tout ou elle alloit, de ses cheveux crespez;
Sur tout elle vouloit, que je receusse a gage
Son fils, pour le stiler au doux Francoys langage;
Je luy promis tout bien, la peur chassay au loing,
Pour estre un jeune enfant, dont m'en laissa le soing.
Il se tient avecq moy, nous parlames sans noise,
Et subit il aprint nostre langue Francoise,

Souvent, en les trouvant, i'ay prins son arcq d'arain
Et ses dards dangereux hardiment en ma main;
Mais quand il se partit, en lieu de recompense:
Il me fit un present (trait de sa violence)
Il decocha un dard au milieu de mon cœur,
Qui me nourroit tousiours en joye & en doleur;
O! Martire aigre doux! C'est celuy, belles Dames,
Qui m'apprint esperer en une, emmy mes flames;
Qui du premier m'apprint le commerce total,
De ce gentil troupeau qui nous traicte si mal,
Ce troupeau, doux troupeau, qui par son eloquence,
Et par son beau maintien, charme l'humaine engeance,
Qui par son feu divin, & regards amoureux
Comme astres, esclaircit nos esprits tenebreux,

Cause de nostre esmoy, & de nostre liësse,
Cause de nos delicts & de nostre redresse,
La peur de nostre esprit, mais de desir empraint,
Le brasier de nos cœurs, mais qui soy mesme estaint.
Si i'estois le Soleil, ou qu' a ma fantasie,
Je pouvois gouverner son char r'allume-vie,
Ma foy! i'arresterois mon cours dedans les cieux,
Si tot qu'une beauté s'offriroit a mes yeux:
Si i'estois le Soleil, de ses yeux voudrois faire,
Deux Astres, pour de prez de leurs rays me complaire,
Et les amadouant, ie les ferois placer
Prez la lune, au milieu du ciel luisent & clair.
Las! i'ay souventefois souhaité d'estre Auvette,
Pour pouvoir amasser sur sa bouche tendrette

Le miel Nectarien, quand elle l'ouvre a point;
Je me sens aussi tot des traits d'Amour espoint,
Lors son ame en mon ame invisiblement coule,
Pleine de doulce odeur, & de grand' aise soule
Mon courage amoureux, lors se trouve mon cœur
Au milieu de son feu, mais loing de sa douleur.
Amour, si je pouvois un moucheron me rendre;
Ie ne voudrois mon heur plus hautement estendre,
Prez de la bouche irois ma logette bastir
D'une que je cognois, pour tousiours m'y tenir;
La seroit mon Palais; la de doulce Ambroysie,
I'allaitterois mon Ovaute: Je la rendrois m'Amie:
Chassant sa cruante, la suivrois, jusqu'a ce,
Qu'elle fusse en mon cœur, ou moy au sien planté:

Ainsi que les Grillons, qui, chantans en meslee
Se nourrissent d'Esté de la fresche rosee,
Tout ainsi faisons nous: l'Amour nous peut nourrir:
Sans viande ou boisson, seulement par plaisir.
c'Est un breuvage doux, une pluye d'elite,
Qui mouille nos esprits, c'est l'eau vrayement benite,
C'est rosee de miel, qui de vos yeux descend,
O! troupeau Cyprien, dans nostre cœur ardant:
Quand vos regards s'en vont ailleurs faire demeure,
Nous n'osons esperer de plus vivre un quart d'heure:
Nostre vie, nostre' ame, & nos cœurs sont rendus
En vostre doux pouvoir, vos efforts bien cognus:
Venus est une Dame, elle a pourtant les Dames
Remise en nostre main, le seul bien de nos ames.

Qui seroit ce du monde, ou de ce rond deborné,
Quand on ne le voyoit de beaux regards orné?
On dit, que Iupiter, quand du premier la terre
Il commença former, avecq ce qu'elle enserre,
Par troys foys en riant se tourna, & disoit,
Qu'a ce grand Vnivers le meilleur defailloit:
Lors l'Animal il fit sur son divin modelle,
Que nous pour le jourd'huy nommons une Pucelle;
Mais quand il l'eut parfait, & tout bien contemplè,
Sa mignarde posture, & soubriz emmielè,
En sa propre facture, il print une telle aise,
Qu'il se plaignit des lors de l'amoureuse braise.
Quantes fois à ce Dieu, qui par sa main de fer,
Foudroye l'Vnivers, & fait les monts trembler,

Quantes foisàce Dieu employé sa finesse,
Pour surprendre à l'escart, sa peureuse maistresse?
Elle estoit son Empire, il laissoit la le Ciel,
Quand prez d'elle il pouvoit se souler de son miel.
Ie tiens l'homme ja mort, je le forclòs du monde,
Qui voyant tels beaux yeux, tout en flamme ne sonde,
De les gouster de prez: Ie tiens celuy tousiour,
Plus vil qu'un tronc de bois, qui defaut en Amour
Si le pouvois le Ciel gouverner en la place
De Iupin, i'y mettrois d'autre gent par ma grace:
Des Pucelles sur tout i'y feroys grand amas.
Ce seroit une gent duisant à mes soulas:
Le mestier qu'on feroit en ceste republique,
Ce seroint doux baisers, i'en feroys la practique:

J'y fonderoi des loix, qu'un chascun sans fallir,
Seroit par tous tenu (qu'el qu'il fut) d'accomplir:
Nul dueil ne regneroit en ceste bourgoisie,
Lon chasseroit bien loing la colere, & l'envie,
Nulle guerre y seroit, si non celle, qu'on fait
Avec plaisir, & quand a Cupidon il plait:
Les rampars seroint faits de mirtique verdure,
Dont Cupidon par don orneroit la cloiture:
Les fosses seroint pleins de larmes, que repand
En la premiere nuict, l'Espouse a son amand:
Car Venus met tousiours un ioly petit ange
Pres du lict nuptial, quand l'Espouse s'y range,
Qui prent ceste liqueur, & garde en tout debvoir,
Parce que maintenant on n'en peut guere avoir.

Mais combien que ne puis mes soubhaits mettre en place,
Sy veux je toutes foix, si l'on m'en fait la grace,
Entre vos blanches mains, ce mien livret bannir,
Pour arres du desir que j'ay de vous servir.
Mes Dames, vueillez doncq d'un regard amiable,
Recepvoir ce present, & le rendre durable,
Et puis me souhaiter, pour loyer de mon don,
Que je sois couronnè par le Dieu Cupidon:
Le Ciel de ce doux Dieu (O! qui en fut ja maistre!)
Est, pouvoir au giron de sa Dame renaistre,
Le Ciel de ce doux Dieu, est, de tousiours mirer
Les yeux de son Idole, & jamais n'en bouger.


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