Otto Vaenius, Emblemata aliquot selectiora amatoria (1618)

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Cupidon a la Jeunesse


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CVPIDON
a la Ieunesse.

Qvand j'enflamme les corps & les cœurs de mon feu,
c'Est lors que s'accomplit la parole de Dieu,
Qui mande au monde croistre & accroistre sa race:
Parolle qui l'effect de sa puissance trace
En tout cest univers. Tout ce qu' icy est né,
Tant qu' il hume cest air, se trouve condemné
d'Obeyr à ma loy, doncques ce n'est pas blasme
De souffrir les efforts de l'amourese flamme:
Ce n'est pas deshonneur suivre d'Amour le train,
Ce vous est commandè par decret souverain.
Mon pouvoir indomptè tous animaux maistrise,
Et es reins le desir d'engendrer il attise.

Tout ce que nous voyons dans ces quatre elements
Reçoit du bon du cœur mes beaux commandements.
En terre les brutaux sont tous de ceste bande,
Tout aussi bien que ceux que la raison commande,
Les oyseaux dedans l'air, les poissons en la mer,
Sçavent tous ce que c'est de ce doux mal d'aimer.
La Salamandre aussi sent ce feu dans sa flamme.
Le Soleil, & la Lune au ciel d'homme & de femme
Portent les vrais pourtraits, ils se vont entre veoir
Et par leur jointe icy se vient à concevoir,
Et naistre toute chose, & en prend nourriture
Arbres, herbes, metaux, voire la pierre dure,
Veufs de vie, & d'esprit, & de sens despourveux,
Or qu' en terre cachez, ne sont francs de mes feux.

Le palmier porte-faix point d'amour mutuelle
Se courbe pour de pres se joindre à la femelle,
Sur l'entre deux d'un fleuve. Auffi le genre humain
N'a esté sans raison par la sçavante main
De nature party, & en homme, & en femme,
Lesquels s'entrejoignans de corps, d'esprit, & d'ame,
Par le doux fruit d'amour soulagent les douleurs,
Que la fascheuse absence engendroit en leurs cœurs.
Rien n'a esté ça bas en vain à l'adventure
Produit, on façonné par la sage nature,
Tout est fait au compas, tout se reigle au niveau,
Tout est bon & parfait, tout est utile & beau.
Toy donc qui mesprisant la † Nature mere mammelue,
As la femme à desdaing, comme chose pollue,

Qu' es tu à la parfin, qu' un homme qu'a demy,
Et du plus grand soulas de la vie ennemy,
Vn animal sauvage, ombrageux, solitaire,
Fantasque, freneticque, à qui rien ne peut plaire,
Que le seul desplaisir, né pour toy seulement,
Privé de corps, d'esprit, d'amour, de sentiment.
Puis doncq, Esprit hagard, que tu hais ma puissance,
Iamais de mes plaisirs n'en auras jouissance.
Qui du miel de vos jours augmentent la douceur,
Et du fiel de vos ans diminuent l'aigreur.
Tu ne te vois renaistre aux vivantes medailles
De tes enfans, lesquels apres les funerailles
Engendrants leurs pareils, taschent de main en main
Tousiours perpetuer le mortel genre humain.

Malheur à cestuy la, qui marche solitaire,
Il n'a de qui s'aider, quand il donne par terre:
Le lacq à simple corde est bien plustost cassé:
Que quand à filet double il est entrelassé:
La Ieunesse n'est point d'honnorer redevable
Celuy qui n'a produit au monde son semblable,
Quel plaisir! quand l'honneur par ton filz t'est rendu,
Que tu as porté jeune à ton pere chenu.
Et toy seulette aussi vivant de telle sorte
Que tu clos aux amours de tes pensers la porte,
Quel plaisir auras tu vivant tousiours ainsi?
Quel fruit de tes refus sera par toy cueilly?
Quand le temps passager racourcira les aisles
De ton cœur si hautain, quand de tes joves belles.

Les lis meslez de rose à coup se flestriront,
Et que se froncera ceste plaine du front
De rides seillonné, & que ta chevelure
Se blanchissant perdra du bel or la parure?
Et ce coral sanguin de tes levres blesmy,
Le change t'apprendra du temps ton ennemy?
Qu' auras tu qu' un regret de ton attente vaine,
Avec un desespoir qui nuit & jour te geine,
Te trouvant sans mary & sans quelque enfançon,
Des vieilles le soustien & fidelle estançon?
La jeunesse une-fois par le temps emmenée
Iamais on ne l'a veu chez aucun retournée.
Par Amour ta jeunesse en honneur fleurira,
Sans moy ceste beauté de tien te servira,

Non plus que le tresor qu' un usurier enserre,
Ou qu'un beau diamant caché dessoubs la terre.
On ne doit sans amour une Dame estimer,
Car elle est nai icy seulement pour aimer.
Y at il rien plus doux, que de te veoir servie,
d'Vn qui te prise plus que ses yeux, & sa vie,
Entendre ses pensers, luy dire tes desirs,
Partir esgalement le dueil, & les plaisirs,
Les courroux gratieuz, l'esperance, & la crainte,
Lire sa passion sur son visage peinte,
Le veoir perdre en soy mesme, en toy se retrouver
Et les douceurs du ciel sur la terre esprouver
Sans tromper follement la fleur de ta jeunesse,
Qui las! sans y penser, comme un songe te laisse?

Doncques o jeunes cœurs, espoints de l'aiguillon
De Nature, suivez franchement son guidon.
Qui Nature n'ensuit, malheureuse est sa vie.
Mais qu' aussy la raison vous tienne compagnie.
Ce livre peinturé que l'on vous offre en don,
Vous fait veoir les efforts de mon ardant brandon.
Monstrez tant seulement s'il vous pourra complaire,
l'Aucteur pour son travail n'attend autre salaire.

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